C’est bien d’avoir un avis.
C’est le propre d’une personnalité.
Mais il y a des limites.
Hier, alors que j’étais installé dans un centre commercial de Chiang Mai à siroter une petite camomille sans sucre, un français m’interpelle.
On se connait, il me demande s’il peut s’installer.
Il s’ensuit un bel échange de plus d’une heure.
Nous n’étions pas d’accord sur l’ensemble des sujets abordés et c’est souvent ce qui rend les échanges intéressants pour peu qu’on écoute véritablement ce que l’autre est en train de dire.
Nous tenions nos positions et utilisions chacun des arguments et des exemples.
Je m’observais pendant cet échange.
Et il y a quelque chose que j’ai apprécié.
Par moment, j’ai simplement admis que je n’étais pas assez compétent pour avoir un avis.
Je n’étais ni assez documenté, ni assez cultivé sur la question pour me prononcer.
Il y a quelques années, je débattais simplement avec l’envie de vaincre.
Je souffrais d’un excès de confiance.
C’est ce qu’on nomme l’effet Dunning-Kruger.
Un biais cognitif bien connu de celles et ceux qui tentent de faire preuve d’esprit critique.
C’est bien d’avoir un avis.
Peut-être que tu as un avis tranché sur le confinement et sur le port du masque ?
Peut-être que tu as déjà un avis tranché sur la vaccination ?
Personnellement, je m’estime parfaitement incompétent pour me prononcer.
Et pour le moment, je m’en remets aux experts.
C’est comme pour la boxe thaïlandaise.
Ce n’est pas parce que j’en fais quasiment tous les jours depuis 3 mois que j’ai une quelconque expertise.
Je suis conscient que j’en connais à peine plus que le parfait néophyte.
Et qui j’écoute ?
Mes entraîneurs.
Ils ont entre 100 et 300 combats à leur actif.
Ils sont experts.
Si nous discutions de la vaccination ensemble ?
J’entendrai leur point de vue.
Mais il n’aurait nécessairement pas autant de poids que celui d’un expert qui a passé 15 ou 20 ans à étudier le sujet.
Je ne considère pas les politiciens contemporains comme des figures d’autorité respectables.
À défaut de vouloir servir les autres de la meilleure manière possible, il y a une forte tendance à tirer un profit personnel d’une position de pouvoir.
Et je sais que c’est ce qui donne continuellement du grain à moudre aux conspirationnistes et aux adeptes des théories du complot.
Les scandales existent.
Ce n’est pas comme s’il fallait chercher très loin.
Les dirigeants se font continuellement choper avec le groin fourré au fond du pot de confiture.
Mais même à côté du plus pourri des politiciens, il y a de fortes chances qu’il dispose d’une expertise bien supérieure à la mienne.
Il aura accès à une palette de compétences et de connaissances politiques, sociales et historiques que je n’ai pas.
C’est bien d’avoir un avis.
Mais de temps en temps, c’est aussi tout à fait sain et normal de ne pas avoir d’avis.
Et de reconnaître humblement que nous n’avons pas le bagage nécessaire pour formuler un avis.
C’est un travers dont souffrent beaucoup de personnes éveillées à la spiritualité.
Parce qu’elles disposent d’une intuition accrue, elles vont se prononcer sur la dangerosité d’un compteur électrique.
Parce qu’elles peuvent percevoir des défunts, elles vont formuler avec plein d’assurance un avis tranché sur la vaccination.
Et, minute papillon : reste dans ton domaine d’expertise.
On ne demande pas à un physicien d’avoir une expertise sur le mercato de la ligue 1 de football.
On n’interroge pas un acteur de cinéma sur ce qu’il pense du port du voile.
Si ?
Ha bah merde, si.
C’est exactement ce que l’on fait.
On donne la parole à des personnes qui n’ont pas d’expertise.
Elles n’ont tout simplement « pas le niveau ».
Exactement comme si on me demandait de commenter un combat international de boxe thaïlandaise.
Je suis un clampin qui n’y connait rien.
Mais aujourd’hui, tout le monde a la parole.
Et par le prisme des réseaux sociaux, il y a une horizontalité des avis.
La starlette de télé-réalité peut exprimer son avis sur la vaccination devant une audience de plus d’un million de personnes grâce à sa story instagram.
C’est assez rare que les véritables experts attirent une telle audience.
Et c’est partout pareil.
Sur YouTube, une vidéo de divertissement va aisément dépasser le million de vues.
Je regarde de temps en temps des enseignements d’une puissance inimaginable.
Ça fait 1000 vues à tout casser.
C’est le jeu.
Tout le monde ne s’intéresse pas à tenter de devenir un meilleur être humain.
Tout le monde n’est pas préoccupé par le sort des autres.
Les gens mènent leur barque sans trop se poser de questions.
Et ils ont un avis tranché sur tout et n’importe quoi.
Sans reconnaître qu’ils n’ont peut-être pas le niveau pour le faire…